Mac OS X 10.6 Léopard des Neiges
La revue de Ars Technica
Mac OS X 10.6, autrement dit Léopard des neiges, est arrivé. Pour cette fois, Apple fait dans la discrétion, pour ce qui est un énorme travail sous le capot. John Siracusa plonge profondément dans ce que propose le nouvel OS pour voir ce qui est nouveau, ce qui reste le même, et si la mise à jour vaut le coup.
Un article de John Siracusa, traduit par Philippe Lecarpentier, d'après la dernière mise à jour datée du 31 Août 2009, 10h00 PM CT
Tiger 10.4 : 150 nouveautés
En Juin 2004, pendant la conférence de présentation de la WWDC, Steve Jobs révélait Mac OS X 10.4 Tiger pour la première fois aux développeurs et au public. Quand le produit fini est arrivé en Avril 2005, Tiger était la livraison la plus grosse, la plus importante, la plus riche en nouvelles possibilités de toute l'histoire de Mac OS X, et de loin. La campagne de marketing d'Apple avait orchestré cela en vantant "plus de 150 nouveautés".
Toutes ces nouvelles caractéristiques avaient pris du temps. Depuis son introduction en 2001, il y avait eu au moins une mise à jour majeure de Mac OS X chaque année. Tiger a mis plus d'un an et demi à voir le jour. A l'époque, cela valait incontestablement le coup d'attendre. Tiger fit impression parmi les utilisateurs et les développeurs. Apple en a retenu la leçon pour provoquer un coup de cœur et l'attente envers une nouvelle mise à jour de Mac OS X, Léopard. Par plusieurs canaux de communication, Apple manifesta son intention de changer le cycle des mises à jour de Mac OS X de 12 mois à 18 mois. Léopard fut officiellement programmé pour "le printemps 2007".
A mesure que la date approchait, la machine de marketing d'Apple, emprunta une voie prévisible.
Steve Jobs à la WWDC de 2007 : 300 nouveautés dans Léopard
Apple alla assez loin pour fournir une liste de 300 nouvelles caractéristiques sur son site web. Avec la tournure des choses, le "printemps"" se révéla un peu optimiste. Leopard ne fut en fait envoyé qu'à la fin d'Octobre 2007, presque deux ans et demi après Tiger. Ce qui est sûr, c'est que Léopard contenait une solide moisson de caractéristiques et de technologies, et que nous en considérons maintenant beaucoup comme dues. (Par exemple, avez-vous discuté avec un utilisateur potentiel de Mac depuis la sortie de Leopard sans mentionner Time Machine ? Je m'en suis bien gardé).
Mac OS X semblait devenir mature. La progression était claire : des cycles plus longs, plus de possibilités. A quoi allait ressembler Mac OS X 10.6 ? Est-ce qu'il arriverait trois ou trois ans et demi après Léopard ? Est-ce qu'il allait rassembler 500 nouvelles possibilités? Ou un millier ?
A la WWDC de 2008, Bertand Serlet annonça un changement qu'il qualifia de "sans précédent" dans l'industrie du PC.
Mac OS X 10.6 : lisez sur les lèvres de Bertrand Serlet : aucune nouveauté
C'était vrai, la nouvelle mise à jour majeure de Mac OS X n'aurait aucune nouvelle possibilité. Le nom du produit reflétait cela : "Léopard des neiges". Mac OS X 10.6 ne serait simplement qu'une variante de Léopard. Meilleure, plus rapide, plus raffinée, euh... neigeuse.
C'était une stratégie risquée pour Apple. Après le feu nourri des mises à jour de 10.1, 10.2, et 10.3, suivi de la bataille des nouvelles possibilités et des API dans 10.4 et 10.5, Apple pouvait-il vraiment se permettre un "hors jeu" ? J'imagine que Bertrand transpirait beaucoup en faisant cette annonce sur scène à la WWDC devant une assemblée attentive de développeurs Mac. Et leur réaction ? Des applaudissements spontanés. Il y eu même quelques hululements et sifflets.
Beaucoup de ces même développeurs avaient applaudi aux "150 Nouvelles possibilités" de Tiger, et aux "300 nouvelles possibilités" de Léopard aux précédentes WWDCs. Maintenant, ils applaudissaient au zéro nouvelle possibilité de Léopard des neiges. Qu'est-ce qui peut expliquer cela ?
Cela va sans doute aider de savoir que la diapo "0 nouvelle possibilité" venait à la fin d'une présentation d'une heure, qui avait détaillé les principales APIs nouvelles et les technologies de Léopard des neiges. Elle fut aussi rapidement suivie en rétro-pédalage (en fait, il y a une nouvelle possibilité) d'une diapo qui montrait l'addition du support de Microsoft Exchange. Isolé de son contexte, "0 nouvelle possibilité" peut sembler représenter la stagnation. Mais dans le contexte, c'était un message amical délivré aux développeurs.
Le message d'Apple à destination des développeurs était du genre : "Nous ajoutons des tonnes de choses nouvelles à Mac OS X pour vous aider à écrire de meilleures applications, en rendre votre code existant plus rapide, et nous allons nous assurer que tout cela est solide comme du roc, et aussi dépourvu de bogues que possible. On ne va pas s'épuiser à rajouter une barge de possibilités pour satisfaire le client et le marketing. A la place, nous allons nous concentrer 100 % sur les choses qui vous intéressent, vous, développeurs".
Mais si Léopard des neiges est une lettre d'amour aux développeurs, est-ce que c'est une lettre du genre Mon cher Jean aux utilisateurs ? Vous savez, ces gens que le service de marketing appelle si crûment des "clients". Qu'en est il pour eux ? Croyez-le ou non, la difficulté de persuader les acheteurs est en fait tout à fait semblable. Aussi épuisante qu'a été l'obligation pour les développeurs de se maintenir à flot dans un flux incessant de nouvelles APIs, aussi pénalisant ce peut être pour les clients de se maintenir au top niveau des nouvelles possibilités de Mac OS X. Exposé, un nouveau Finder, Spotlight, un nouveau Dock, Time Machine, un nouveau Finder encore, un nouveau iLife, et un nouvel iWork presque tous les ans, et ainsi de suite. Et, autant les développeurs détestent les bogues dans les nouvelles APIs d'Apple, autant les utilisateurs qui expérimentent ces bogues dans les applications ont les mêmes raisons d'être irrités.
Et puis, entrée de Léopard des neiges : la mise à jour qui nous permet à tous une pause dans la cage d'écureuil -nouvelles possibilités/nouvelles bogues- du développement de Mac OS X. Voilà la persuasion.
Réalités inconfortables
Mais attendez un peu, n'ai-je pas mentionné "une présentation d'une heure" avec Léopard des neiges proposant de nouvelles APIs et de nouvelles technologies ? Quand il parle aux développeurs, le message d'Apple "pas de nouvelles possibilités" est une autre façon de dire "pas de nouvelles bogues". Léopard des neiges est supposé supprimer les vieilles bogues sans en introduire de nouvelles. Mais rien n'annonce mieux que de nouvelles APIs majeures de nouvelles bogues inévitables.
De la même façon, pour les utilisateurs, "pas de nouvelles possibilités" sous-entend stabilité et fiabilité. Mais si Léopard des neiges contient assez de changements dans le cœur de l'OS pour meubler une longue heure d'introduction à la WWDC, plus d'un an avant sa sortie, Apple peut-il réellement tenir sa promesse ? Ou bien les utilisateurs vont-ils cumuler les désavantages d'une mise à jour pleine de nouveautés comme Tiger ou Léopard, - les inévitables bogues 10.x.0- et de nouvelles fonctionnalités non familières et non testées, sans avoir l'avantage de nouvelles possibilités ?
Oui, c'est assez pour porter un regard cynique sur les motivations réelles d'Apple. Et pour mettre un peu plus d'huile sur le feu, jetez un coup d'œil sur la courbe temporelle des mise à jour d'Apple ci-dessous. Pour chaque mise à jour, j'y ai fourni une liste de ses améliorations les plus significatives.
L'échelonnement des livraisons de Mac OS X
Cette courbe prend une allure indéniablement pendante, comme si elle était alourdie par un nombre toujours plus important de nouvelles possibilités. (Ces mises à jour sont réparties uniformément sur l'axe des Y.) Peut-être pensez-vous qu'il serait raisonnable d'étaler le temps entre les révisions du fait que chacun apporte un lot d'améliorations plus important que la précédente, mais gardons à l'esprit la conséquence logique d'une telle courbe sur un longhorn effort.
Ah oui, il y a une petite poussée vers le haut à la fin, pour 10.6, mais elle est supposée être une livraison "sans nouvelles possibilités". La version 10.1 se voulait aussi sans fioritures, mais a pris sacrément moins de temps à venir.
En voyant ce graphique, il est difficile de ne pas se demander s'il n'y a pas quelque chose qui siphonne les ressources dans l'effort de développement de Mac OS X. Disons, peut-être un projet qui en est à sa première, deuxième ou troisième étape de la vie, encore dans la partie abrupte de la courbe en ce qui concerne son propre développement. Oui, je veux parler de l'iPhone, et particulièrement de iPhone OS. Le business de l'iPhone a explosé, sur les bilans comptables d'Apple comme aucun autre produit ne l'a fait avant, même le iPod. Il attire aussi l'appétit des développeurs à un taux alarmant.
Il n'est pas difficile d'imaginer que de nombreux artistes et développeurs, qui ont planché sur les caractéristiques visibles par l'utilisateur ont été réorientés (temporairement ou non) sur l'OS de l'iPhone. Après tout, Mac OS X et iPhone OS partagent le même cœur de système d'exploitation, le même langage pour le développement de l'Interface Utilisateur Graphique, et beaucoup des mêmes APIs. La migration d'une certaine force de travail semble avoir été inévitable.
Et n'oublions pas que les technologies de "Mac OS X" que nous avons apprises récemment ont été développées pour l'iPhone, et qu'il s'est trouvé qu'elles ont été annoncées pour le Mac d'abord (parce que l'iPhone était encore un secret), comme Core Animation et la signature de code. Une telle conspiration du silence n'est certainement pas rehaussée par le dédain et le mépris manifesté à la présentation d'introduction de la WWDC envers Mac OS X et le Mac en général depuis que l'iPhone est arrivé sur le devant de la scène. Si bien que, par dessus tout, Léopard des neiges a pour objet de redonner quelque lustre à Mac OS X.
Vous avez compris ? A peu près deux ans de cycle de développement, mais pas de nouvelles fonctionnalités. De nouveaux frameworks majeurs pour les développeurs, mais peu de nouvelles bogues. Des changements significatifs dans le cœur de l'OS, mais une plus grande fiabilité. Et une cure de jouvence pour agir, avec peu de changements visibles pour l'utilisateur.
Ça suffit pour rendre blanc le Léopard.